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Pour comprendre l'impact de cette bande dessinée en France, il faut un instant faire un détour par le Japon, appréhender comment le manga s'est élaboré et se pencher sur ses enjeux éditoriaux, ses moyens de production et son public.

JAPON

1. Le Japon, premier producteur au monde de bandes dessinées

La bande dessinée japonaise est la première du monde économiquement parlant. En effet, livres et magazines de bande dessinée représentent un chiffre très important de l'édition nippone en terme de tirage (environ 40 % de l'ensemble des ouvrages publiés au Japon) et de chiffre d'affaire (1/4 du chiffre total des ventes d'ouvrages). Premier produit culturel au Japon, source d'inspiration importante pour tout le secteur des loisirs et des médias (mode, musique, télévision, dessin animé, jeux vidéo.... ), le manga représente un formidable enjeu économique, secteur le plus concurrentiel de l'édition, doublé d'un véritable fait de société. La vente des mangas, albums et dessins animés engendre un chiffre d'affaires de plus de 6 milliards de dollars. Il existe une soixantaine d'éditeurs mais trois d'entre eux se partagent les deux tiers du marché : Kôdansha, Shûeisha et Shôgakukan (ces 2 derniers font partie du même groupe). Ils publient en moyenne 70 magazines chacun, avec des sorties bien étalées sur la semaine, ciblant des publics bien précis et environ 1000 nouveautés de librairie par an. (Lire le chapitre consacré à ce sujet dans le Guide Phoenix des mangas, chez Asuka)

2. Le mangashi, la revue de manga

La presse est très développée au Japon, celle consacrée au manga représente la moitié des titres, etc le manga est donc avant tout un produit et un phénomène de presse. Avant d'être publiées sous forme de recueils d'histoires complètes, la plupart des manga paraissent dans des revues qui s'arrachent à des milliers voire des millions d'exemplaires chaque semaine ! Shonen Jump (édité par Shûeisha) a eu un des plus forts tirages de cette presse, en 1995 environ 6 millions d'exemplaires par semaine (l'équivalent du tirage d'un Télé 7 jours), ce qui représente un record dans l'histoire des revues.

Weekly Shônen Jump, n° 3, janv. 2007

Environ 200 titres de magazines consacrés au manga, des « mangashi », existent sur le territoire nippon dont le tirage cumulé dépasse le milliard d'exemplaires par an. La pagination de ces magazines peut varier de 300 à 1000 pages, proposant une trentaine de séries différentes. Imprimées sur du papier de très faible qualité, ces revues coûtent en moyenne l'équivalent de 2 euros. Un mangashi est lu en moyenne par 3 personnes. Car souvent laissé, une fois lu, sur un siège du métro ou un banc, il est repris par un autre lecteur. La circulation d'un mangashi est environ trois fois supérieure au nombre de magazines vendus (Jump qui écoulait en 1995 6.5 millions exemplaires/ semaine était lu en moyenne par 20 millions de lecteurs soit 1/6 de la population japonaise !) (Réf. 2) Mais une crise de la presse s'est amorcée au Japon depuis 1996 (en 10 ans, de 1993 à 2003, les mangashi perdent 1/4 de leurs lecteurs, de 1996 à 2003 : fermeture de 1500 points de presse). Le public, en particulier les plus jeunes, attirés par Internet, les jeux vidéos, le téléphone portable, aurait tendance à délaisser les magazines populaires. Et le public plus âgé et plus exigeant, dont les lectures d'enfance ont été rythmées par les sorties périodiques de leurs magazines, se tournent à présent vers des mangashi plus luxueux ou achètent les recueils reliés délaissant ce canal traditionnel de la prépublication. Néanmoins, la conception du récit de manga est indissociable de ce mode de production et de publication sous forme de feuilletons à suivre : l'essentiel des spécificités narratives et graphiques du manga y ont été forgées et en découlent. Les mangashi rapportent relativement peu d'argent (27% des titres publiés par les éditeurs mais qui ne correspondent qu'à 11 % de leurs revenus). En revanche, les mangas publiés en recueil s'avèrent très rentables : les frais de publication sont déjà amortis et les éditeurs ont l'assurance de vendre ces séries déjà connues et appréciés du public (Réf.2). Ces magazines se trouvent facilement, tant dans les kiosques que sur un quai de gare, les librairies, les combini (supérettes ouvertes 24h/24), les distributeurs automatiques, etc Le manga au Japon est un produit éditorial beaucoup plus proche de l'univers de la presse que du monde du livre.

3. Le manga est aussi un livre

Ensuite publiés sous forme de livre de poche que l'on connaît en France (format tankôbon : édition reliée de manga 11cm x 17,5 ou 13 x18,5 cm, format B6, 200 pages, 7 à 11 chapitres en moyenne avec une jaquette couleur, ou format bunko : 10,5 x 15 cm, réédition en minipoche d'une série à succès tirée en moyenne à 50.000 exemplaires, de 300 pages environ), les mangas offrent des caractéristiques matérielles (papier de faible qualité, très peu de colorisation des dessins) qui favorisent des prix de fabrication et de vente bas (autour de 4/5 euros), de forts tirages et des ventes incroyables. En cas de gros succès, un manga peut être publié de nouveau dans une version livre luxe (à diffusion plus limitée, grand format, avec des bonus -couverture cartonnée, premières pages couleurs, coffret de rangement, etc). Tout est fait pour que le lecteur ait envie d'acheter la série même longtemps après la fin de l'histoire : les rééditions représentent la moitié de la production mensuelle au Japon ! Les adaptations pour la télévision, la vidéo (OAV), les jeux vidéos ou le cinéma viennent compléter cette production de papier sous forme animée. Ce marché des produits dérivés est important pour le mangaka qui en tire des royalties non négligeables. La richesse et la puissance des éditeurs japonais sont liées à ce système de publication et de recyclage multiples.

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4. Les relations entre éditeurs, auteurs et lectorat

Pouvoir du lectorat :
Les mangashi n'hésitent pas à proposer aux lecteurs des sondages de popularité et des classements des séries (par le biais de fiches détachables des revues et envoi de cadeaux goodies en retour), encourageant ou stoppant net un récit qui n'obtient pas les résultats escomptés. La suite ou l'arrêt d'une prépublication n'est pas dû à la volonté de l'auteur, c'est une décision du public interprétée par l'éditeur. Si un manga n'a pas réussi à se glisser parmi les 10 premiers au bout d'un mois, il n'est plus publié ! (Réf.2) Mais quand la série a trop de succès, les auteurs risquent alors de devoir s'adapter aux goûts des lecteurs. Ainsi, certaines ouvres à succès ont tendance à se poursuivre indéfiniment, cherchant à captiver le lecteur (et même à le capturer définitivement) par des rebondissements artificiels du récit ou la complexité des relations entre les personnages.

Importance du responsable éditorial :
Au sein d'une revue, c'est le responsable éditorial, en charge de plusieurs séries qui supervise l'ensemble des réalisations. Pour répondre aux nécessités de rapidité de parution de ces revues, le mangaka (souvent découvert et recruté d'ailleurs par le biais de grands concours organisés par les magazines, les mangahô) s'entoure d'assistants partageant les travaux de réalisation graphique. Certains grands mangakas peuvent livrer sous leur nom jusqu'à une centaine de pages hebdomadaires ! Les mangas sont donc souvent des ouvres collectives, issues de plusieurs mains et toujours sous le contrôle du responsable éditorial de la revue, intermédiaire entre les aspirations de l'auteur et celles du public et qui peut exercer une influence considérable sur l'évolution d'une série.

Le mangaka :
Le système éditorial japonais, très différent du système français, impose donc des contraintes très fortes aux mangaka : "soumis à la concurrence des autres mangaka, dépendant des sondages, contraint à produire un nombre de pages imposé en un minimum de temps, le dessinateur japonais est décidément bien méritant" (Réf.2). Non seulement méritants mais aussi forçant l'admiration, ces auteurs qui préfèrent se définir comme des artisans plutôt que comme des artistes, parviennent malgré ces terribles pressions de production et de rentabilité, à faire preuve d'une inventivité extraordinaire et d'une grande maîtrise de leur moyen d'expression.

Complicité avec le public :
Une complicité avec le lectorat est encouragé par le mangashi non seulement par le biais des sondages mais aussi par toute sorte d'échanges et de communications, sous la forme de fan service ou de fan club dont on retrouve les traces chez certains éditeurs français (comme Kana, label manga de chez Dargaud, proposant dans les publications d'albums ce système inauguré dans les revues : courrier des lecteurs, jeux, dessins à envoyer, notes d'informations sur les auteurs ou la vie contemporaine japonaise. La même connivence avec le public est entretenu sur le site Web de Kana : espace des dessins des lecteurs, chat, forum, foire aux questions..). Cette relation est entretenue directement par les auteurs dans les marges des récits : clins d'oeils, confidences personnelles loufoques, auto-parodies à destination du lecteur entretiennent cette familiarité qui donne au destinataire toute son importance de lecteur, à la fois en tant qu'individu et en tant que membre d'une communauté. Cette relation intime entre les lecteurs et les auteurs autour d'univers fétiches est très appréciée des adolescents en France. Et ce sentiment d'appartenance à une tribu d'initiés est amplifiée par les conventions et autres salons manga où se déroulent les désormais très attendus cosplays (contraction de Costume Player), sorte de défilé festif où l'on propose aux fans de se déguiser en leurs héros préférés de manga et où des prix sont attribués aux déguisements les plus réussis (les Cartoonists, la Japan Expo rassemblent ainsi chaque année des milliers de fans).

Morning, n° 48, 2005

On voit que les revues servent réellement de bans d'essais aux séries et en rendant le mangaka dépendant de l'audience, risquent d'enfermer les auteurs dans des fonctionnements systématiques et répétitifs. Mais la variété des mangashi et l'existence de revues alternatives, se situant volontairement hors des circuits commerciaux, permettent néanmoins une certaine diversité créative.

5. Segmentation du lectorat

Les revues à fort tirage développent une politique de lectorat très ciblée par tranches d'âges (dès la petite enfance) et par sexe. Cette segmentation découle d'une logique commerciale de normalisation du marché (donner au public ce qu'il aime, sans oublier rien ni personne) et, en même temps, traduit une fertilité étonnante (parce que c'est une manière de décliner à l'infini les possibilités narratives et thématiques). Chaque magazine peut donc trouver sa place sur le marché tout en visant le même public, chacun développant son style et ses sujets de prédilection plus ou moins bien définis.

On fait souvent référence à trois types de mangashi qui s'adressent à un public ciblé par sexe et âge et qui sont traversés ensuite par les notions de genres : - le shônen qui s'adresse aux jeunes garçons (sur les caractéristiques du shônen, voir le chapitre « qu'apprenons nous du Japon à travers les mangas ?) - le shôjo destiné aux jeunes filles - le seinen qui s'adresse aux jeunes adultes et adultes

Le shônen manga qui s'adresse à de jeunes garçons -l'âge du héros est calibré sur celui du lecteur pour entrer en résonance avec lui- est entièrement traversé par des valeurs traditionnellement très importantes au Japon mises en place pendant la période d'Edo (1603-1867) qui se réfèrent au confucianisme et au code de l'honneur des samouraïs : loyauté, obéissance aux aînés et au gouvernement, primauté du groupe sur l'individu. Le shônen manga se présente souvent comme un récit d'initiation où le jeune héros devra triompher d'un parcours semé d'embûches par le recours essentiel à ces valeurs que sont le sens de l'honneur, le respect des anciens et le dépassement de soi.... Très souvent naïf et inculte, peu doué dans le domaine où il sera amené à faire ses preuves, le héros de shônen traverse en général, après un temps de désespoir et de doute, une rude période d'apprentissage où l'effort et le travail seront valorisés et où la compétition avec les autres aura toujours un effet stimulant. Devenu résistant et conscient, il aidera ensuite les autres dans les épreuves. Que ce soit dans les récits historiques (en particulier de samouraï, Kenshin), de sport (Noritaka, Slam Dunk), de quête (Dragon Ball, Naruto, One piece) ou d'enquêtes policières (Detective Conan, Kindaïchi), les shônen mangas puisent constamment dans la mythologie guerrière et les codes de l'honneur, n'hésitant pas non plus à revendiquer un certain chauvinisme (en particulier lors d'affrontements sportifs internationaux). Un sondage réalisé par le magazine Shônen Jump dans les années 70 auprès de son jeune public avait mis en évidence les trois thèmes de prédilection de son lectorat : amitié, persévérance et victoire. Le journal a depuis lors toujours été fidèle à ces thèmes. Comme l'expliquait l'éditeur de Shônen Jump, ces hebdomadaires « montrent que si vous travaillez dur, vous pouvez tout accomplir. Et cette philosophie plait autant aux enfants qu'aux adultes ». « Ce qui fait acheter Shônen Jump et les autres revues pour garçons à un public de 6 à 60 ans, c'est semble-t-il ces valeurs d'amitié, de persévérance - des valeurs de battants. Tout au long de leurs efforts pour reconstruire leur pays après guerre, puis pour relever leur économie depuis la récente récession, les Japonais ont continué à trouver inspiration et consolation auprès des héros de shônen mangas » (Manga : Soixante ans de bande dessinée japonaise / Paul GRAVETT. - Editions du Rocher, 2005. - p. 59) Le shônen peut apparaître à la fois comme l'héritier de ces valeurs traditionnelles de combativité et de pugnacité qui ont participé à l'édification du Japon, comme un guide pragmatique de philosophie personnelle toujours en cours et comme une perpétuation de cet esprit national fondé sur l'espoir social et l'épanouissement individuel. Shônen peut d'ailleurs être traduit par « peu d'années » mais aussi par « cour pur », etc. Le manga accorde aussi de l'importance à des choses qui ne semblent pas en avoir, il a une façon d'approcher la trivialité, la quotidienneté. Finalement, ce qui est important ce n'est pas l'aventure que va vivre le personnage, c'est comment lui, cet individu là, va la vivre, comment il va en sortir changé, transformé, les doutes par lesquels il va passer, les voies qu'il va emprunter pour s'en sortir. Le triomphe, même dans les séries de compétitions sportives, est d'abord intérieur et ne résulte pas dans le fait de brandir le trophée de la victoire finale. Le shônen manga pose le défi constant de ses propres limites et engage au dépassement et à l'accomplissement de soi (c'est sûrement un de ses attraits essentiels pour les adolescents). C'est pourquoi le héros japonais toujours en perpétuelle évolution est plus réaliste et plus proche du lecteur. Et pourtant, malgré la présence en filigrane de ces valeurs morales, le shônen n'apparaît pas moraliste ou moralisateur. La force du shônen manga réside dans la capacité des auteurs d'insuffler à leurs aventures un ton humoristique ou parodique qui donne légèreté et fantaisie, qui allège sans pour autant déconstruire le récit. Les adolescents sont très sensibles à cette complicité que les auteurs entretiennent avec leurs lecteurs, que ce soit par une autodérision constante ou par des clins d'oil appuyés (l'auteur peut se mettre en scène dans le corps même du récit ou dans des colonnes avoisinantes, excusant son retard de production auprès de l'éditeur, commentant l'action, s'interrogeant sur les motivations des personnages, leur donnant la parole en coulisse, etc) L'outrance et l'utilisation pléthorique des procédés graphiques propres au genre (détails foisonnants, déformations exagérées des corps ou des visages, disproportion entre les réactions des personnages et la réalité des scènes, etc) participe de cette énergie et de ce ton résolument fantaisiste et parodique. Le manga se prend rarement au sérieux et aime à jouer avec les codes propres de la bande dessinée et le pacte implicite de lecture, rappelant sans cesse que ce n'est qu'une bande dessinée que vous lisez et que la lecture d'un manga n'est qu'un divertissement, activité à la fois sérieuse et légère, importante et dérisoire, qui engage votre participation active de lecteur mais fait aussi appel à votre sens complice de l'humour. Le Shôjo manga se distingue par des thèmes particuliers, plus éclectiques que le shônen, incluant la plupart des genres de ce dernier mais dominé par des aventures sentimentales. Une multitude de sous genres est inclut sous la dénomination shôjo dont par exemple le magical girls (Sailor Moon), héroïnes investies de missions extraordinaires, ou le kowaï (qui signifie " j'ai peur ") mêlant romantisme et horreur, avec parfois un certain érotisme, etc Les récits Yaoï qui racontent des histoires homosexuelles masculines et qui s'adressent à un public féminin sont issus originellement du shôjo qui aime mettre en scène des beaux garçons androgynes appelés "bishônen". Devenu un genre à part entière, les boy's love s'adressent à un public en fait plus âgé. On verra que le shôjo est aussi caractérisé par un style graphique (dessins très éthérés, découpage aéré, climat romantique, etc), qui suggère des relations plus sensuelles entre les personnages et qui développe une véritable esthétique (cf. chapitre sur Approche artistique et technique du manga). Intermédiaire entre le shônen et le seinen, le young seinen reprend les codes du nekketsu (le récit initiatique) qu'il adapte à un public plus âgé. Les récits moins humoristiques, plus réalistes mettent en scène de jeunes hommes -étudiants ou employés- faisant leurs premiers pas dans la société (Real, Say Hello to Black Jack, etc). Ce peut être aussi la suite d'un shônen à succès qui suit l'âge d'un lectorat qui a grandi avec la série : Gunnm Last Order pour la suite de Gunnm, Angel Heart pour la suite de City Hunter. Le Joseï, en général dessiné par des auteurs féminins, s'adresse aux jeunes femmes (d'une vingtaine d'années) et met en scène des héroïnes tiraillées entre vies professionnelles et vies privées (Déclic amoureux, Complément affectif, Au pied chéri, Happy mania), abordant les relations amoureuses et sexuelles de façon parfois crue.

Au Japon, c'est le sexe et l'âge du lectorat ciblé du mangashi qui détermine le rattachement d'un manga à un « genre ». Le but d'un mangashi est de promouvoir un ensemble de séries. Celles-ci doivent présenter assez de points communs pour toucher un même lecteur cible, mais également assez de diversité pour ne pas lasser le même lecteur. L'idée est donc de promouvoir une série auprès de tel ou tel public plutôt que d'informer le public sur une série particulière et son éventuel contenu. La catégorisation d'un manga en recueil est donc liée au mangashi d'origine, c'est le type de magazine dans lequel le manga a été prépublié et non les thèmes qu'il aborde qui lui donne sa classification : une série publiée dans un shôjo manga gardera son étiquette shôjo. Cette segmentation d'origine commerciale peut être assez restrictive ou faussée : une série étiquetée shôjo du fait de son mangashi d'origine peut dans la réalité intéresser et être lue par un public beaucoup plus large. Mais cette classification n'a plus grand intérêt au Japon dans la mesure où le public a déjà largement découvert la série au travers du magazine. Ce qui n'est pas le cas en France, et qui est source de confusion (que les éditeurs tentent de minimiser en y ajoutant des notions de genre. Kana par exemple décline toute une série de labels : Dark Kana consacré aux thrillers, Big Kana aux polars et à la SF, Made in label prestige consacré à la « bande dessinée d'auteur »). On voit que cette classification induite par les tranches d'âges et le sexe en apparence limpide est beaucoup plus complexe qu'elle n'y paraît, surtout dès qu'on observe le détail des séries, les genres abordés et les comportements des lecteurs ! Bien des ouvres de Tezuka classées shônen sont lues par des filles ou des adultes et des séries seinen ont parfois leur lot de merveilleux ou d'humour propre à séduire de plus jeunes lecteurs. Enfin, si les mangashi proposent une segmentation âge/sexe qui a valeur d'incitation ou d'orientation, ce sont les lecteurs qui disposent et ils sont nombreux à papillonner d'un magazine shôjo à une revue shônen et vice versa, etc. " On l'aura compris, il est aussi facile de se repérer dans le maquis du manga que dans les rues de Tokyo qui ne portent pas de nom, etc mais dont les quartiers sont divisés en district, eux-mêmes répartis en bloc et dans lesquels chaque maison est numérotée selon l'ordre de construction ! L'esprit japonais, son art populaire et son urbanisme aime tout autant et dans le même mouvement la classification que le désordre inventif" (Fabien Tillon. - Les manga. - Editions Nouveau Monde, 2005.- p.18). Pour plus d'informations sur le marché du mangashi, consulter le site très complet sur le sujet : mangaverse.net

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6. Les alternatifs

Néanmoins, à côté de ce système de production calibrée, segmenté en shôjo, shônen et seinen, qui représente la majorité des titres vendus et qui repose pour la plupart sur des stéréotypes, existe une autre facette du manga, incarnée par des revues alternatives, liée à un lectorat plutôt adulte et cherchant une expression plus créative voire d'avant-garde, qui ne se fond pas dans un système dont on pourrait dégager des codes ou des thèmes vraiment spécifiques. Ce mouvement s'est créé dès les années 60, dans le mouvement mondial de contre culture, impulsé par le mythique magazine Garo. Tezuka ne fut d'ailleurs pas en reste, créant en 1966 Com, magazine qu'il envisageait comme un espace libre d'exploration et d'expérimentation du manga. Actuellement, c'est la revue Ax qui, à la mort de Garo, a repris à son compte cet esprit de recherche expérimentale, à la fois narrative et esthétique, sans souci de rentabilité commerciale. Des auteurs incarnant cette autre voie du manga y sont publiés et sont reconnus et ce, jusqu'en France, relayés par nos éditeurs alternatifs (Vertige Graphic, Ego comme X, Cornelius, Imho, etc)

Ax, n° 1, fév. 1998

7. Genres de récits

Des critères thématiques ou de genres viennent se superposer aux critères d'âges/ sexe des mangas. Car, du jeune garçon féru de sport de combat à la mère de famille, les mangas veulent satisfaire tous les publics mais aussi tous les goûts. Et tous les sujets sont permis : du golf à la cuisine, des problèmes de crédit aux services sociaux ou à l'éducation des enfants, de la biographie à la romance, du complot politique à la vie du businessman, les univers traités sont immenses et sans borne et permettent une variété de styles graphiques et de genres de récit, allant du fantastique à la vie quotidienne en passant par le sport ou la SF, développant même des ouvrages didactiques et documentaires sur tous les sujets (éducation, vie professionnelle, loisirs...). De toute cette production foisonnante, nous ne percevons qu'une portion infime en France. Néanmoins, quelques genres jusque là inconnus ont été découvert récemment : le manga informatif ou "jôhô manga" dont la collection Mangascience publiée chez Pika en est un exemple. Le manga est utilisé en effet comme un media au Japon pour communiquer avec la population : le gouvernement édite son rapport annuel d'activité en manga, L'Histoire du Japon d'Ishinomori court sur 48 volumes, soit 10.000 pages ! le manga pour enfants : très peu traduit en France, il présente souvent la forme du Yon Koma, courant traditionnel du manga sous forme de strip de 4 à 12 cases verticales, créé dans les journaux quotidiens. (Un titre culte pour les plus jeunes : Doraemon, le chat-robot loufoque venu du 22ème siècle censé protéger le jeune Nobita grâce à une panoplie d'accessoires et de pouvoirs existe depuis 1970 et s'est vendu à 80 millions d'exemplaires au Japon).

DORAemon (vol. 1), 2006

Pour plus d'informations concernant les thématiques du manga, miroir de la société japonaise, lire ici

Références
Réf.1 : Rapport annuel sur le marché de la Bande Dessinée / ACBD, 2006. Réf.2 : Animeland Hors-Série, n°5. - Anime Manga Presse, 2003. Réf.3 : Les manga / Fabien Tillon. - Editions Nouveau Monde, 2005.

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FRANCE

1. L'introduction du manga en France ou les raisons d'une mauvaise réputation

Les quelques tentatives pour introduire en France dès les années 70 la bande dessinée japonaise, des titres qui d'ailleurs s'adressaient plutôt à des adultes, se sont soldées par des échecs. La revue Le Cri qui Tue, créée par un suisse d'origine japonaise Atoss Takemoto qui tirera à 40.000 exemplaires publie du Tezuka, du Tatsumi, etc Mais l'aventure ne durera que jusqu'au numéro 6 en 1981 ; et les Humanoïdes associés (en 83) puis Albin Michel (en 1990) n'en restèrent qu'à un timide essai avec Gen d'Hiroshima (intitulée bizarrement à l'époque Mourir pour le Japon, dont on ne connaîtra la suite qu'en 2003 grâce à Vertige Graphic qui reprendra et poursuivra la série). C'est par le biais de la télévision et des dessins animés adaptés des bandes dessinées japonaises que la France allait découvrir l'univers des manga. L'émission Récré A2 en 1979 popularisa des personnages comme Goldorak ou Albator auprès de toute une génération d'enfants, fascinés par les univers intergalactiques. les mangas seront synonymes durant ces années 80 de dessins animés destinés aux enfants, dont les adultes dénigrèrent la piètre qualité de réalisation (l'animation y est réduite au minimum, les doublages souvent ratés et les traductions aléatoires, ces dessins animés étant pour la plupart déjà passés à la moulinette de l'appauvrissement de la télévision et de la censure américaines, etc) les mangas papiers qui circuleront à cette époque ne viennent pas du Japon : ce sont de pures copies réalisées à partir de ces dessins animés, commandées par les éditeurs français (comme le firent également les américains, espagnols, italiens, etc ) auprès de dessinateurs locaux et voulant profiter à moindre frais de ce qu'on estimait alors comme une mode éphémère.

Mais une nouvelle génération de dessins animés (fin des années 80, Club Dorothée), incarnée par Dragon Ball, allait enfin entraîner l'arrivée du manga papier et des oeuvres originales en France. De nombreux éditeurs dopés par la mangamania déclenchée par la parution de Dragon Ball (1993) qui allait assurer une position de leader à son éditeur, Glénat, se lancèrent dans l'aventure, piochant souvent au hasard dans les catalogues japonais, tablant toujours sur un effet de mode de courte durée. Le marché explosera (de 6 titres publiés chez 2 éditeurs français en 1991, on passe à 190 titres publiés chez 7 éditeurs en 1998). Mais un coup d'arrêt brutal stoppera ce bel élan éditorial dont l'origine et la cause sont encore liées à l'univers audiovisuel. En effet, de nombreuses critiques (venues de parents, enseignants, journalistes, etc) s'élèvent contre la programmation incohérente que les sociétés de production (comme AB) et les distributeurs proposent dans ces émissions pour enfants, sans se soucier de l'âge du public auquel s'adressent ces dessins animés (dont certains étaient volontairement conçus au Japon pour un public adolescent et non enfantin). Cette profonde méconnaissance du marché du dessin animé japonais lié à un appât du gain facile, a généré ce discrédit auprès des prescripteurs, englobant dans la même détestation animation, manga et finalement tout ce qui pouvait venir du Japon. De là vient probablement la réputation sulfureuse du manga et cette perception péjorative du grand public, entretenue par les a-priori caricaturaux des media, qui allait l'accompagner pendant de nombreuses années. La censure puis les décrets en 1990 sur les quotas de diffusion d'ouvres françaises et européennes à la télévision marquèrent la fin du marché de l'animation et du manga en France. Du moins pour un temps. Car l'intérêt pour la culture japonaise (qui se manifeste en France à travers la musique, la mode, la cuisine, le cinéma asiatiques) allait reprendre le dessus au début des années 2000. Le point positif de cette période réside dans la naissance d'un nouveau lectorat, essentiellement des adolescents qui n'étaient pas forcément amateurs de bande dessinée ni de livres, mais qui préparés aux codes et aux thèmes des mangas par le biais de ces dessins animés régulièrement diffusés à la télévision trouvèrent dans les mangas (peut-être même avec une certaine nostalgie de leur enfance) des livres accessibles et bon marché. La vente en kiosque de numéros à suivre et avec un rythme de parution assez rapide permettait de renouer avec cette tradition du récit en feuilleton abandonné par la bande dessinée franco-belge depuis bien longtemps et situait les mangas comme un livre à part. Ni revues ni albums traditionnels de bande dessinée, les mangas allaient à la fois souffrir de cet isolement culturel tout en se créant ainsi une visibilité extraordinaire sur le marché éditorial. Enfin, ce n'est qu'assez récemment que critiques et chercheurs japonais ont commencé à tenir un discours analytique autour du manga, étudiant ses codes graphiques ou le situant dans une perspective culturelle globale. De plus, les responsables de la culture officielle japonaise ne réalisant pas que des occidentaux soient attirés par le cinéma d'animation et le manga, qui étaient pour eux plutôt dénués d'intérêt artistique, ou trop spécifiquement nippons pour intéresser un éventuel marché extérieur, n'ont développé aucun effort pour donner une image plus juste du manga. Rien d'étonnant alors que les occidentaux aient eu une vision faussée de cette bande dessinée, emplie de préjugés et finalement d'ignorance. Les études en France sont longtemps restées minces et les mangas n'ont pas constitué dans ces années là un pôle d'intérêt de ces publications (ce qui n'est plus le cas actuellement, cf chapitre consacré aux Livres de références sur les mangas).

2. Le marché du manga en France en 2007

(Article mis à jour en janvier 2008. Les chiffres recueillis et analysés sont à considérer avec un certaine prudence car ils fluctuent suivant les sources, cf. Sources à la fin de l'article).

Depuis 2002, le manga sur le marché français est en constante progression, la France est le pays le plus "lecteur" de manga (après le Japon). 1152 titres ont été publiés en 2007 représentant plus de 44 % des nouveautés de bande dessinée et 30% du marché des ventes de bandes dessinées. C'est un phénomène éditorial très important. D'aucuns s'inquiètent d'ailleurs de cette progression trop forte qui menace sérieusement l'édition francophone, etc Il est vrai que de nombreuses options éditoriales nationales ont été battues en brèche sous la pression du marché du manga (faible coût de production, variété des formats, importance de la pagination, du noir et blanc, etc). Les libraires ont de grandes difficultés à gérer la surproduction de la bande dessinée en général et du manga en particulier : accueillir sans cesse des nouveautés (avec une très forte concentration au dernier trimestre de l'année) qui oblige à raccourcir le temps d'exposition d'un album donc à réduire son "espérance de vie" et à concentrer les efforts sur les coups de cour ou les "locomotives" au détriment des petits éditeurs, etc

2.1 La bande dessinée dans le marché du livre

La bande dessinée est l'un des principaux moteurs du marché du livre - La production d'albums augmente pour la 13ème année consécutive faisant de 2007 une nouvelle année record avec 4.313 titres publiés en France et dans l`espace francophone européen, soit 4,4 % de plus que l`année précédente (14,7% en 2006). Cela représente près du triple des 1.563 albums publiés en 2000. - Sur ces 4313 titres, 3.312 sont des nouveautés, 712 des rééditions, 204 des livres de dessins d`humour ou d`illustrations et 85 des ouvrages d'analyse sur la BD. - La BD représente un peu plus de 6,5 % du CA total de l'édition et environ 7,2% de l`ensemble des livres publiés en France et dans les pays francophones limitrophes (environ 60.000 livres publiés en 2007 en France). - Le marché de la bande dessinée représenterait en 2006 383 millions d'euros de CA et 40,5 millions d'exemplaires vendus (dont un tiers de mangas) - La bande dessinée affiche une rotation de vente supérieure à la moyenne du livre (c'est un rayon qui dégage plus de vente au titre que les autres, hormis le parascolaire). - La bande dessinée figure parmi les secteurs de l'édition dont les ventes ont le plus progressé en 2007, avec le parascolaire, les essais et la jeunesse.

2.2 Le poids de la bande dessinée étrangère dans le marché français

- Sur 3.312 nouveautés, 53,95 % sont des traductions, soit 1787 titres traduits (léger recul par rapport à 2006) - Parmi les 26 pays représentés, la bande dessinée étrangère la plus traduite en France est la bande dessinée asiatique : 1371 titres soit 528 séries, soit 43.12 % des nouveautés, avant l'américaine : 253 albums, l'italienne : 63 albums et l'espagnole : 24 albums. 13 anglaises, 9 allemandes, 6 hollandaises, 5 argentines - Si en 1994, 19 mangas seulement avaient été publiés, on comptait 521 bandes dessinées asiatiques traduites en 2003, 754 en 2004, 1142 en 2005. En 2007, elles représentant 44,12 % des nouveautés ; un nouvel album sur 3 est une bande dessinée asiatique. - Sur 1371 bandes dessinées asiatiques publiées, 1152 viennent du Japon (1110 en 2006), 130 de Corée (259 en 2006), 74 de Chine et de HongKong (41 en 2006), 15 de Malaisie, Singapour, Taïwan, Thaïlande, et d'Inde (8 en 2006). - On compte 138 rééditions en 2007 (contre 72 en 2006) ; les nouveautés ont de plus en plus d'impact sur le fonds, le dernier volume relançant systématiquement la vente des volumes précédents.

2.3 Les ventes de mangas

- Avec environ 15 millions d'exemplaires vendus dans l'espace francophone européen, les manga représentent 35% du marché des ventes de bandes dessinées en 2007 et 25% du chiffre d'affaire. Environ un album sur trois vendu est un manga. Le lectorat s'élargit et se fidélise (cf. les lecteurs français de mangas). - 15 bandes dessinées asiatiques figurent parmi les 30 plus grosses ventes de BD, et les mangas représenteraient 1/4 du chiffre d'affaire des éditeurs de bande dessinée. - Quelques séries concentrent plus de la moitié des ventes de mangas. En 2007, il n'y a que 9 séries publiées chez 4 éditeurs qui assurent plus de la moitié des ventes dans leur globalité. Les plus gros tirages des mangas ont été en 2007 : Naruto, un tirage qui atteint désormais les 220.000 exemplaires à chaque nouveau tome (et il y en a eu 7 en 2007 ! ), 5 millions d'exemplaires vendus au total, l'indémodable Dragon Ball avec 9% des parts de marché (15 millions d'exemplaires vendus en cumul, et des rééditions tirées à 120.000 ex. chacune), One Piece avec 5% (en 2007, 5 nouveaux volumes ont été tirés à 65.000 ex.), Fullmetal Alchemist avec 4% (6 volumes tirés, en moyenne, à 83.000 ex. en 2007), Samurai Deeper Kyo avec 3% (6 volumes à 66.000 ex. en 2007), Fruits Basket avec 3% (4 volumes à 90.000 ex. en 2007), Death Note avec 3% (7 volumes à 137.000 ex. en 2007), Bleach avec 2% (5 volumes à 50.000 ex. en 2007) et Détective Conan avec 2% (2 tomes à 30.000 ex. en 2007) ! L'écart se creuse entre best sellers et peloton des ventes moyennes (la vente moyenne qui se situait il y a quelques années autour de 10000 exemplaires tourne aujourd'hui plutôt autour des 6.000 exemplaires).

2.4 L'influence et l'image des mangas

- On note une augmentation d'albums d'auteurs européens s'inspirant des différents codes graphiques et narratifs du manga. Des éditeurs, tels Akiléos, Ankama, Le Caméléon, Carabas, Delcourt, Les Humanoïdes associés, Pika ou Soleil en ont publié 57 en 2007. D'un autre côté, chez Soleil (où un label Fusion Comics est en préparation, en association avec Panini), des graphistes asiatiques illustrent les scénarios d'auteurs francophones. - Longtemps décriée, la bande dessinée japonaise trouve peu à peu sa place dans le paysage culturel français. Le succès du festival Japan Expo au Parc des expositions de Paris-Nord Villepinte qui a reçu 83.000 visiteurs en 3 jours en 2007 en est une illustration. Ainsi que les prix désormais attribués à des mangas (Nononbâ de Mizuki primé à Angoulême en 2007 ou le prix Asie-ACBD décerné à Gen d'Hiroshima de Keiji Nakazawa)

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2.5 Concentration de l'édition manga

- L'édition manga reste très concentrée. 7 éditeurs tiennent l'essentiel du marché des mangas traduits en France. Il s'agit de Kana (qui a fêté ces 10 ans et qui représente 33% du marché), de Glénat Mangas (25%), de Delcourt par l'intermédiaire d'Akata et de Tonkam (11%), de Pika (10%), de Kurokawa (7%), de Panini Manga (5%), et de Soleil Mangas avec ses filiales SEEBD ou Iku comics (3%). Ils ont réalisé 94% des ventes de mangas en volume.

Classement des éditeurs en terme de chiffre d'affaires :

1. Kana
2. Glénat
3. Delcourt (Akata/Tonkam)
4. Pika
5. Kurokawa
6. Panini Manga
7. Soleil manga (Mc Productions)

Ne restent que 6 % des parts de marchés à se partager pour ceux-ci :
Akileos, Asuka, Imho, Ki-Oon, Le lézard noir, Taïfu, Bamboo, Carabas, Casterman, Milan, Xiao Pan, Cornélius, Paquet, Picquier, Vertige graphic, etc.

- 41 éditeurs ont publié en 2007 des bandes dessinées asiatiques (une trentaine en 2006). On y trouve des éditeurs généralistes, des éditeurs de bande dessinée et des éditeurs spécialisés dans le manga.

2.6 Classement des éditeurs par nombre de titres publiés en 2007

Le terme « titre » regroupe nouveautés, rééditions - il peut s'agir d'albums de bande dessinée ou de manga - livres d' illustrations et essais sur la bande dessinée. Le terme "manga" recouvre ici les nouveautés albums et rééditions de mangas et manwhas regroupés.

Plus de 15 titres :

Groupe Delcourt : 484 titres dont 253 mangas > Akata : 103 titres - Tonkam : 152 titres
Mc Productions : 428 titres dont 224 mangas > Soleil Manga : 96 titres - Akiko : 17 titres - Kabuto : 19 titres - Saphira : 26 titres - Tokebi : 69 titres
Groupe Media Participation : 474 titres dont 126 mangas > Kana : 129 titres
Groupe Panini : 250 titres dont 117 mangas > Panini Manga/Generation comics : 117 titres
Groupe Glénat : 295 titres dont 110 mangas > Glénat Mangas : 113 titres
Groupe Hachette : 133 titres dont 108 mangas > Pika : 113 titres
Groupe Taifu : 92 titres dont 92 mangas > Taïfu : 87 titres - Convini : 3 titres
Groupe Flammarion : 316 titres dont 61 mangas > Casterman Sakka : 34 titres - Casterman Hanguk : 14 titres - Casterman Hua Shu : 13 titres
Groupe Editis : 74 titres dont 60 mangas > Kurokawa : 61 titres
Asuka : 55 mangas
Groupe Tounon Semic : 125 titres dont 51 mangas > Carabas/Kami : 54 titres
Ki-Oon : 49 mangas
Groupe Bamboo : 123 titres dont 46 mangas > Doki-Doki : 46 titres
Xiao Pan : 33 manhuas
Paquet : 60 titres dont 15 manwhas > Paquet Manwha : 15 titres

Moins de 15 titres :

Le Seuil : 14 titres
Cornélius : 11 mangas
Imho
Kanko : 14 titres
Vertige Graphic : 10 titres
Kyméra
Picquier
Toki
Ankama Studio
Les éditeurs qui "s'intéressent" au manga :
> qui ont publié des ouvrages de référence sur le manga : Bordas ; Camphrier, Editions du Chêne (EPA) ; Editions du Rocher ; Librio ; Milan ; Nouveau Monde Editions ; Taschen
> qui publient des ouvrages pour apprendre à dessiner du manga : Eyrolles, Trait pour trait ; Glénat ; Semic Mangaka

3. Les tendances éditoriales amorçées en 2005-2006

Les tendances observées depuis déjà deux ans s'affirment : à savoir une offre élargie et variée de la part des éditeurs, aussi bien en terme de lectorat (extension des tranches d'âges, public masculin / public féminin) qu'en terme de thématique et d'esthétique.

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3.1 Le manga d'auteur

Accompagnant la production seinen (qui s'adresse aux grands ados et adultes), la bande dessinée japonaise "d'auteurs" s'affirme, représentée par des éditeurs comme Le Seuil (collection Mangaself), Casterman (Sakka) ou Picquier. Mais d'autres éditeurs de moindre envergure (et d'ailleurs pour une grande partie d'entre eux, pionniers en la matière) participent efficacement à ce mouvement (Tonkam, Ego comme X, Imho, etc)
Cette bande dessinée dite « d'auteur » regroupe, sous cette convention d'expression créée par une dynamique venue de l'édition alternative, des oeuvres plutôt personnelles, originales tant esthétiquement que thématiquement, échappant au formatage des grandes séries commerciales. Elle s'adresse à un public plus mûr, exigeant et pas forcément lecteur de manga ou de bande dessinée. Les éditeurs français portent un soin particulier à la fabrication et à la présentation de ces ouvrages (qualité du papier, de la couverture, du brochage, etc, le prix étant à l'avenant), montrant par là leur volonté de se démarquer de la production courante du manga en France.

Après avoir publié la série Au temps de Botchan de l'incontournable Taniguchi et Sekikawa, Le Seuil étoffe sa ligne manga avec la collection Mangaself et des titres comme Bleu transparent de Oji Suzuki et Histoires singulières du quartier de Terajima de Yû Takita, représentatifs du manga d'auteur des années 70.
Reprenant le format B5 des collections seinen japonaises et conservant le sens de lecture original, la collection propose une maquette résolument originale : des ouvrages cartonnés, au papier épais, avec une couverture sobre monochrome, percée en son centre par une fenêtre circulaire.

SUZUKI, Oji : Bleu transparent. - Le Seuil, 2006 –195 p. : ill. en noir et blanc ; 22 cm -(Mangaself). - ISBN 2020850680 : 17 euros

Fer de lance du magazine japonais d'avant-garde Garo, Oji Suzuki travailla avec Tsuge (L'Homme sans talent). On retrouve dans ce manga toutes les traces de cette filiation : un dessin sobre, un découpage paisible et régulier qui invite à la contemplation. Si sa narration est difficile et nous échappe souvent, c'est que Suzuki avec cette évocation de l'enfance, entre autofiction et onirisme, est plus proche de la poésie que de la bande dessinée. Pour adulte.

TAKITA, Yû : Histoires singulières du quartier de Terajima. - Le Seuil, 2006. - 203 p.: ill. en noir et blanc ; 22 cm (Mangaself).- ISBN 2020850650 : 17 euros.

Singulières, ces nouvelles le sont assurément... Absurdes ou burlesques, avec un humour noir ou grinçant, ces courts récits qui mettent à mal l'imagerie traditionnelle des samouraïs ou qui évoquent le Tôkyô des années 1930 (où la famille de l'auteur tenait un estaminet), abordent des thèmes divers comme la peine de mort, l'adultère ou le vol. Le dessin brut, faussement naïf et expressif, est aussi atypique que le fut son auteur, Yû Takita (1932-1990), pionnier du manga autobiographique. Pour adulte.

La collection Sakka ("auteur" en japonais), âgée de deux ans, dirigé par Frédéric Boilet (spécialiste de la bande dessinée japonaise), cherche aussi à se démarquer de la production courante française en publiant des oeuvres courtes (volumes uniques ou brèves séries), en puisant dans le gisement d'artistes talentueux et réputés au Japon pour les faire connaître au public français A côté de grands auteurs confirmés comme Tezuka ou Taniguchi, on trouve dans cette collection les désormais incontournables Tanaka (Gon), Hanawa (Tensui) ou Samura (L'Habitant de l'infini). Deux auteurs récemment traduits et représentatifs de ce mouvement sont à signaler : Igarashi qui propose avec son Hanashippanashi des nouvelles surréalistes véritablement dignes d'intérêt et Kuroda, au trait personnel et original.

IGARASHI Daisuké : Hanashipanashi Patati patata (série complète en 2 volumes). – Casterman, 2006. - 253 p. : ill. en noir et blanc ; 21 cm. (Sakka) - ISBN 2-203-37340-7 : 10,95 euros

Dans ces courtes nouvelles, on croise des chats à têtes de lions et une sirène dans un bocal de poisson rouge, on ramasse des enfants étoiles tombés dans les champs, on découvre comment les voix tissent des arcs en ciel et comment en s'écartant des bandes blanches, on risque d'être avalé par l'asphalte... Ces histoires poétiques et surréalistes, étranges et biscornues, où la nature est souvent sublimée par le surnaturel sont autant d'invitations à un voyage dans l'imaginaire. Servis par un trait fin, tantôt naïf tantôt réaliste, soutenus par des grisés tout en nuance, ces récits sont mis en valeur par une mise en page particulièrement soignée et adaptée. Un ouvrage qui s'adresse à un public prêt à goûter des petits moments de rêve et de surnaturel.... A partir de 14-15 ans.

KURODA Iô : Le clan des Tengu (série prévue en 4 volumes). - Casterman, 2006. - 232 p. : ill. en noir et blanc ; 21 cm. (Sakka) - ISBN 2-203-37325-3 : 9,95 euros.

Cette fable fantastique met en scène des tengu, créatures mythologiques japonaises dans une ville contemporaine. Autrefois affublés d'un corps ailé et d'une tête de corbeau, ces êtres fantastiques et craints vivent à présent cachés parmi les hommes dont ils ont pris l'apparence. Certains décident de s'unir pour reprendre leurs droits et dominer le monde. Le professeur Takama est le seul à connaître les intentions de cette confrérie dont sa nièce fait partie... Assez déconcertante au début par sa narration libre et son trait charbonneux, proche du crayonné (qui rappelle parfois l'univers graphique de Baudouin), cette série convainc par son ton et son trait résolument originaux et place probablement ce jeune auteur japonais parmi les plus étonnants et prometteurs. Il occupe d'ailleurs déjà une place importante dans le catalogue Sakka (titres parus : L'été andalou, la Folie des primeurs, la Bataille du Mont Fuji et autres aubergines). A partir de 15-16 ans.

Depuis vingt ans, les éditions Philippe Picquier, qui se sont attachées à publier en France des livres d'Extrême-Orient (un catalogue de 700 titres consacré à la Chine, au Japon, à l'Inde et qui s'est ouvert progressivement à l'Asie du Sud-Est), propose en 2006 ses premiers manga. Là aussi, belle maquette : papier épais et de qualité, couverture très originale (cartonnée, recouverte d'un papier calque transparent, offrant un jeu graphique entre les deux images) mais assez fragile. Quelques titres au catalogue : Des courges par milliers de YUZUKI Kazu ou Paradis de ABE Shin'ichi qui sont d'un accès difficile, destinés à un public adulte.

ABE Shin'ichi : Paradis. - Picquier Mangas, 2006. - 192 pages : ill. en noir et blanc, 21 cm. - ISBN : 2-87730-844-8 : 16.50 euros.

Les sept nouvelles qui composent l'album ont pour toile de fond le bassin minier de Chikuhô, région de l'île de Kyûshû et pays natal de l'auteur, représentant du gekiga (courant réaliste et dramatique du manga, né dans les années 60). Ecrites entre 1971 et 1973, elles sont représentatives du manga d'avant-garde de l'époque. Déroutants car sans trame narrative réelle, ces récits révèlent, à travers quelques instantanés de vie des personnages, la pesanteur des remords et des regrets, la fatalité de la pauvreté... Un dessin très brut, contrasté, avec un style fluctuant suivant les récits. A réserver à un public mature, déjà lecteur de bande dessinée "d'auteur ". Adulte.

3.2 Le josei manga

De plus en plus d'auteurs femmes sont traduites en France, permettant d'étoffer la production shôjo mais surtout de cibler un public féminin plus mature, les 15-25 ans. Delcourt (Akata), Casterman (Sakka), et récemment Asuka et Taïfu Comics sont les éditeurs les plus représentatifs de cette production de josei manga. Dessiné par des femmes, le josei manga qui s'adresse donc aux jeunes femmes, met en scène de façon réaliste des héroïnes tiraillées entre vies professionnelles et vies privées et aborde la complexité des relations amoureuses et sexuelles de façon subtile ou crue. Souvent, ces auteurs se distinguent par un graphisme dépouillé, un trait épuré, une narration plutôt elliptique et un découpage aéré, éléments qui mettent en valeur les personnages et leurs sentiments.
Ainsi, Delcourt crée aux côtés de sa collection Sakura (plutôt destiné aux jeunes adolescentes avec des titres comme Fruits Basket ou Nana) la collection Jôhin où Mari Okazaki (Déclic amoureux) apparaît comme l'auteur phare (sept titres au catalogue).

OKAZAKI Mari : Complément affectif. – Delcourt, 2006. – 216 p. : ill. en noir et blanc ; 21 cm (Akata ; collection Jôhin). – ISBN 2 7560-0156-2 : 9.80 euros.

Complément affectif (qui bénéficie de fort jolies couvertures) nous raconte la vie sentimentale de Minami, une jeune femme de 27 ans, un peu naïve, qui a bien du mal à concilier son travail et sa vie affective. Après sept ans d'une vie de couple assez terne, elle se retrouve seule et commence une sorte de recherche d'elle-même, s'interrogeant sur sa situation de femme dans une entreprise japonaise (comment s'imposer dans un système machiste qui met ses employés sous pression), sur les relations homme/femme et bien sûr sur l'amour, etc Mari Okazaki a un certain talent pour raconter des histoires sentimentales sans la puérilité du shôjo et sans revendication féministe. Elle s'adresse résolument à un public féminin, et sans chercher à le bousculer, elle tente de l'approcher tout en douceur par une exploration de l'intime et du quotidien. Abordant toutes les facettes de la vie de son héroïne -vie affective, sociale et professionnelle-, l'auteur ancre son récit avant tout dans un certain réalisme. Le découpage très aéré met en valeur l'élégance du dessin qui joue parfois avec les codes du shôjo. A partir de 16 ans.

Chez Casterman, toujours sous le label Sakka, est mise en lumière toute une avant-garde d'auteurs talentueuses comme Kan Takahama (Kinderbook), Fumiko Takano (Le livre jaune), Q-ta Minami (Jeux d'enfant, Adieu Midori) ou Kiriko Nananan (Blue, une histoire d'amour entre deux lycéennes qui aborde de l'intérieur les sentiments et la sexualité féminine).

MINAMI Q-Ta : Jeux d'enfants. – Casterman, 2005. -206 p. : ill. en noir et blanc ; 21 cm (Sakka) – ISBN 2-203-17119-3 : 10.95 euros.

Jun est une petite fille japonaise ordinaire dont on va partager des moments d'enfance, d'adolescence puis de jeune adulte à travers sept épisodes, temps forts qui jalonnent son existence et qui vont forger peu à peu sa personnalité et favoriser sa passion pour le dessin. Depuis ses jeux de petit enfant avec son voisin, jusqu'à la création de son premier manga, en passant par ses années au collège, l'arrêt de ses études, son boulot dans un bar et ses débuts en tant qu'assistante mangaka, on partage son quotidien, parfois tendre, parfois cruel. Œuvre sur l'introspection, l'exploration du monde des possibles et l'affirmation de soi, Jeux d'enfant possède une dimension autobiographique assumée, avec un ton proche du journal intime. Le dessin épuré et sobre participe de ce charme nostalgique et du regard tendre que l'auteur porte sur son personnage. A partir de 16 ans.

Asuka, à côté de sa collection Ladies qui publie du josei manga (Piece of cake), a développé une collection Yuri, genre peu représenté en France, mais important au Japon. Plutôt qu'un genre, c'est une véritable thématique qui traverse le shôjo, le josei ou le seinen, et qui traite des relations féminines homosexuelles. Ces manga ne sont pas destinés particulièrement à un public homosexuel, ils participent plutôt d'une tendance des auteurs féminins à s'interroger sur la complexité de la relation amoureuse. Les mangas d'Ebine Yamaji (Love my life, Sweet loving baby, Indigo blue, Free soul chez Asuka) s'inscrivent dans ce courant, où l'homosexualité est un thème majeur (permettant d'aborder les préjugés homophobes, le poids des conventions sociales au Japon), mais ils traitent aussi de la nature de toute relation humaine et du processus de la création artistique.
Asuka poursuit cette politique pionnière en faveur du public féminin en proposant en novembre 2006 une collection Young Ladies. Ces one shot qui seront, d'après l'éditeur, plus proches graphiquement du shôjo que du josei, ciblent les 18-20 ans. Pour éviter toute confusion, Asuka prévient que ces manga seront vendus sous plastiques « pour ne pas choquer les jeunes lectrices de shôjos classiques » et traiteront de « sujets plus matures, plus dramatiques, avec parfois du sexe consommé », etc
Enfin, Taïfu Comics vient également d'annoncer, pour octobre 2006, la création de deux collections destinées à élargir leur catalogue manga débuté il y a deux ans, au public féminin : Taïfu Shôjo (à partir de 8 ans) et Taïfu Josei (à partir de 15 ans).

3.3 Tezuka, le monstre sacré

L'oeuvre pléthorique de Tezuka, le père du manga, qui a longtemps été limitée en France à quelques titres traduits, connaît enfin un essor digne de l'auteur. Plus d'une vingtaine de titres sont actuellement disponibles, plusieurs éditeurs s'étant attelés à cette tâche. Signalons chez Delcourt (Akata), dans la collection Fumetsu, pratiquement dédiée aux oeuvres du maître, deux nouvelles séries dignes d'intérêt : Dororo et Histoires pour tous.

TEZUKA Osamu : Dororo. –Delcourt, 2006. – 212 p. : ill. en noir et blanc ; 18 cm (Akata ; collection Fumetsu). – ISBN 2-7560-0232-1 : 7.95 euros.

Série complète en 4 volumes.
Dororo conte l'histoire étonnante de Hyakkimaru qui, vendu par son père à des démons qui lui dérobent ses organes, est sourd, aveugle, muet et privé de ses membres. Elevé par un médecin qui lui fabriquera un corps artificiel, il part sur les routes à la reconquête de son corps perdu, où il fera la rencontre de Dororo, un jeune voleur qui deviendra son compagnon... Créée en 1968 pour être une série destinée aux enfants, Dororo parle aussi, comme de nombreuses oeuvres de Tezuka, aux adultes. Derrière cette fable fantastique et haute en couleurs, où il faut braver sans cesse créatures maléfiques et humains cupides, nos deux héros marginaux tentent de trouver leur identité et leur place dans un monde dur et cruel, le Japon du 15ème siècle, traversé par les guerres. On retrouve dans cette série tout le talent de conteur de Tezuka, son trait rond et naïf, et tout son art du découpage graphique. A partir de 13 ans.

TEZUKA Osamu : Histoires pour tous. – Delcourt, 2006. - 224 p. : ill. en noir et blanc ; 18 cm. (Akata ; collection Fumetsu). - ISBN : 7.95 euros.

Série prévue en 20 volumes
Le premier volume regroupe six nouvelles -contes ou souvenirs semi autobiographiques- centrées autour de la seconde guerre mondiale où Tezuka témoigne de ses années noires de guerre qu'il a vécues comme un spectateur impuissant de la folie des hommes. On perçoit dans ses récits tout son besoin et son désir de raconter ce traumatisme. Le climat oppressant et violent, la propagande, l'embrigadement militaire des plus jeunes, le départ de son père pour le front, la pénurie alimentaire, puis les bombardements marqueront profondément le jeune Tezuka. Dans un de ces récits, La forteresse de papier, Tezuka décrit ces bombardements et l'effroi provoqué par les B29 et leurs bombes incendiaires. L'immédiat après guerre et l'occupation seront aussi des épisodes cruciaux dans sa vie. Dans « Le blues du ventre vide », il décrit la terrible pénurie alimentaire qui laisse les cadavres s'entasser et se décomposer dans les rues dans l'indifférence générale. Ces terribles années de guerre ont forgé chez Tezuka un humanisme profond, une volonté de placer toujours au premier plan le développement des qualités essentielles de l'homme et de dénoncer ce qui l'asservit ou le dégrade. On y découvrira également comment cette période difficile et incertaine a fortement influencé son parcours artistique et sa passion du manga (le récit de sa relation avec une jeune actrice défigurée par un bombardement, dont il n'aura de cesse de faire revivre le visage à travers ses manga). La série, dont l'essentiel a été écrit dans les années 70, se composera de volumes indépendants proposant des contes animaliers, des récits de SF ou de samouraïs. Comme son titre l'indique, elle s'adresse à tous, y compris aux plus jeunes, etc A partir de 12-13 ans.

D'autres éditeurs comme Casterman avec I.L., un étrange conte pour adultes ou Milan avec son nouveau label Kankô (Avaler la terre) mettent aussi Tezuka en avant dans leur catalogue. Signalons chez Cornélius la sortie d'un titre moins connu du maître mais digne d'intérêt pour les plus jeunes, Hato, toujours plus haut !

TEZUKA Osamu : Hato, toujours plus haut ! – Editions Cornélius, 2006. – non paginé : ill. en noir et blanc ; 21 cm (collection Paul).- ISBN 2 915492 17 4 : 14 euros.

Série prévue en trois volumes
Après Prince Norman, Cornélius publie Hato, toujours plus haut !, autre série importante de l'ouvre de Tezuka destinée aux enfants. La maquette un peu rétro mais très soignée est tout aussi réussie que le précédent titre. Mêlant mythologies animistes, bestiaires et légendes japonaises, ce récit merveilleux conte les aventures de deux frères jumeaux dont le destin est bouleversé par une querelle millénaire opposant deux des plus puissantes divinités japonaises. Le récit qui introduit dans la bande dessinée quelques passages de textes illustrés –expérimentation, tentative de roman graphique ?- est dynamique et enlevé. On y retrouve le dessin simple mais d'une redoutable efficacité de Tezuka ainsi que sa philosophie optimiste. A partir de 10 ans.

3.4 Le manga pour enfants

On peut espérer, avec la sortie de Doraemon chez Kana, que la production qui s'adresse aux jeunes enfants soit mieux représentée en France dans l'avenir. Peu d'éditeurs proposent une collection manga dédiée spécifiquement à un jeune public (il est vrai que bien des shônen peuvent être lus à partir de 8 ans). Signalons néanmoins sur ce créneau la collection Young Taïfu chez Taïfu Comics (+Anima). Ainsi qu'un titre sympathique, à l'humour bon enfant, Yotsuba (série en cours au Japon) chez Kurokawa d'Azuma Kiyohiko, déjà connu pour Azumanga Daioh. Yotsuba est une petite fille de six ans, énergique et naïve, qui emménage en ville en compagnie de son père adoptif. Tout y est sujet de découverte, d'émerveillement et de gags.

FUJIKO F. Fujio : DORAemon. – Kana, 2006. – ISBN 287129920X : 5.95 euros.

Doraemon est un chat robot venu du futur (doraneko=chat de gouttière) pour aider Nobita, un jeune garçon gaffeur et maladroit. Mais avec sa panoplie de gadgets loufoques, Doraemon aggrave plutôt les situations qu'il ne les démêle, etc Humoristique, cette série publiée au Japon depuis 1970, adaptée à plusieurs reprises en anime, est une série culte.
(Fujiko Fujio est le pseudonyme de deux mangaka travaillant ensemble. DORAemon est l'ouvre d'un seul d'entre eux, signalé par l'initiale F de son nom véritable). A partir de 9 ans

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3.5 Le manga français

Enfin, dernière grande tendance encore impensable il y a peu : celle du manga français (une conférence à la Japan Expo en 2006 y était d'ailleurs consacrée). Quelles formes ce manga français qui est en train de prendre corps va-t-il prendre ? Simple copie, projet mixte ou véritable création ? Nombreux sont les détracteurs de cette idée, le manga restant définitivement lié à la notion de création japonaise. Mais pour d'autres, le manga est un moyen d'expression avec son langage propre et son lot de conventions ; donc copiable, intégrable, adaptable.
Définir la famille d'appartenance d'une bande dessinée par son pays d'origine peut en effet paraître réducteur. Or, « il existe bien une génération grandissante d'auteurs qui ont été nourri aux animes des années 80-90 et qui puisent leur inspiration dans le style manga. Si ces gens là veulent dessiner en noir et blanc, sur plusieurs tomes de 200 pages, doit-on leur interdire de le faire PARCE qu'ils ne sont pas japonais ? » (Guillaume Dorizon). L'idée est donc bien de considérer le manga comme un moyen d'expression avec des règles à respecter mais aussi à transgresser pour le faire évoluer dans notre univers culturel.
Cet intérêt de créer du manga 100% français n'est pas un fait nouveau. Plusieurs auteurs séduits en tant que lecteurs par les mangas et qui en ont intégré les codes narratifs et graphiques s'y sont déjà risqué avec plus ou moins de bonheur et/ou de réussite commerciale.
Deux auteurs –Philippe Cardona et Florence Torta – publient chez Semic puis Kami Sentai School, l'école des héros (3 volumes parus), une école particulière où l'on forme des superhéros (sentaï désigne des groupes de héros de fiction qui combattent les forces du Mal dans des séries télévisées japonaises et américaines telles que Bioman ou Power Rangers). Ce récit, prépublié dans le magazine bimestriel "Coyote" (depuis 2002), allie joyeusement des influences venues du comics, du manga et de la bande dessinée européenne pour créer une parodie divertissante et loufoque, référencée aux jeu vidéo, à l'anime et la bande dessinée. Il va sans dire que les lecteurs connaisseurs seront plus à même d'apprécier tous ces clins d'oil. Le trait dynamique, atténué par quelques arrondis, montre la maîtrise du dessinateur dans les techniques et les codes du manga. Même si l'on pourra reprocher à ces enchaînements d'histoires courtes bourrées de gags et blagues en rafales une certaine faiblesse de scénario et un manque d'épaisseur, le titre est bien représentatif de cette volonté de faire du manga à la française (avec en prime des références internationales au monde des superhéros de la bande dessinée).
Deux auteurs femmes ont ouvert la voie du manga français chez Delcourt : Aurore Demilly (Pixie) et Jenny (Pink diary). Si la première reste encore attachée au format franco-belge, 48 pages couleurs, Jenny (qui a baigné dans la culture manga depuis son plus jeune âge et qui se l'est totalement appropriée) s'est engagée sur un format manga, 192 pages, noir et blanc, trimestriel (avec néanmoins un sens de lecture occidental). Pour tenir le rythme (environ 15 pages par semaine), elle travaille avec un assistant qui la seconde dans ces travaux d'encrage et de lettrage. Pink Diary qui met en scène des histoires d'amour adolescentes dans une école japonaise est un shôjo honnête, très référencé au genre et qui plait aux jeunes filles. Même s'il peut paraître comme une copie de shôjo courant, il a le mérite de montrer qu'une production française de manga est envisageable !

L'édition française qui approfondit de plus en plus ce projet de devenir son propre producteur de mangas est bien en train de franchir un cap important. Il est certain que pour un éditeur français publier du manga créé en France présente un réel intérêt économique, permettant de s'affranchir des contraintes rigides imposées par les éditeurs nippons. La liberté de production, d'exploitation et de promotion des titres en fait rêver quelques uns, prêts à relever le défi.
C'est le cas de Guillaume Dorizon et des Humanoïdes associés qui ont décidé de se lancer dans l'aventure dès septembre 2006 par le biais d'un magazine de prépublication Shogun. L'éditeur veut ainsi faire découvrir au public français des titres manga made in France (mais aussi made in Belgique ou Italie) qui seront ensuite édités en librairie. Inscrits dans une réalité française ou européenne, ces titres s'inspireront donc des codes narratifs et graphiques du manga japonais, respectant le format et le noir et blanc et imposeront un rythme de création élevé à leurs auteurs (soit un chapitre de série par mois, environ 30 pages).
C'est aussi le cas de l'éditeur Kami qui lance en 2008 Yoma, un label destiné à accueillir cinq séries de mangas français.

4. Panorama des éditeurs français de manga en 2007

4.1 Les dominants (en terme de CA)

Kana appartient au groupe Média participations, leader actuel de la bande dessinée qui regroupe les labels Dargaud, Le Lombard, Kana, Lucky comics, Dupuis, Fleurus, Le Caméléon, et qui contrôle 40% du marché de la bande dessinée, soit près de 10,99 % de la production de bande dessinée (3ème rang en terme de production).Le groupe a publié 474 titres en 2007 dont 129 titres pour Kana.
Crée en 1996, Kana (traduisible par « caractères japonais ») s'est très vite imposé sur le marché du manga en France et en Belgique grâce à une politique de rééditions permanentes de ses titres, de sorties rapprochées des volumes de série et une complicité entretenue avec le lectorat, surtout via Internet (site ave 150.000 visiteurs /mois, forum, etc)
Après avoir essentiellement axé sa politique sur les blockbusters et le shônen manga (titres de l'éditeur Shueisha), Kana a enrichi son catalogue de collections qui élargissent le lectorat et autorisent des titres moins grand public: A côté des collections Shônen Kana (Detective Conan, Slam Dunk, etc) et Shôjo Kana (Basara), on trouve Dark Kana, plutôt orienté aventure et thriller (Psychometer Eiji) ; Big Kana, polar et SF pour public plus âgé (Monster) et Anime Kana, adaptant les images de films ou dessins animés (Ghost in the Shell). La collection Made in représente les tendances du manga d'auteurs (Taniguchi, Matsumoto, etc). Une nouvelle collection est lancée en novembre 2007, Sensei, orientée bande dessinée d'auteurs en direction d'un public adulte.
Le tirage moyen d'un album est autour de 12.000 exemplaires en sachant que certains titres (Yu-Gi-Oh !) sont vendus plus d'un million d'exemplaires. Les plus gros tirages reviennent à Naruto : les 7 derniers volumes édités ou réédités de Naruto en 2007 ont été tirés chacun à 220.000 exemplaires.
Afin de renforcer l'impact éditorial des séries du catalogue, l'éditeur cherche à sortir du strict cadre de la bande dessinée en travaillant sur les produits dérivés et en intervenant sur d'autres médias, d'où la création de Kana Home Video et la diffusion de Naruto à la télévision française.

Glénat qui regroupe Vents d'Ouest, Glénat Mangas, Caravelle, Paris-Bruxelles a publié 295 titres en 2007, dont 110 mangas (Glénat Mangas), ce qui représente plus du tiers de sa publication bande dessinée. Editeur historique, hésitant un certain temps avant de se mettre au format japonais et à garnir les albums de jaquettes amovibles, Glénat a perdu récemment sa position de leader qu'il a longtemps détenu sur ce marché. L'éditeur propose une offre shôjo importante. La série phare est bien sûr Dragon Ball qui représente environ 25% des ventes de manga de l'éditeur (soit 100 millions d'euros) : Glénat a vendu environ 15 millions d'exemplaires des 42 volumes toutes éditions confondues (plusieurs versions cohabitent : version simple, version double, édition en coffrets) Chacun des 42 volumes totalise 200 000 ventes. Autres titres importants de son catalogue : Gunm, Appleseed, Nausicaa.

4.2 Les prolifiques

Delcourt (Akata) - Tonkam

Tonkam
Crée par Sylvie Tchang et Dominique Véret (maintenant chez Akata /Delcourt) pour importer et distribuer des mangas, Tonkam se lance en 1994 dans l'édition de manga. C'est un éditeur pionnier en matière de manga (le premier à publier en France dans le sens de lecture japonais, un des premiers à s'intéresser au seinen, etc). En passant de libraire-distributeur à éditeur, Tonkam connaît une très forte expansion (son chiffre d'affaires annuel est passé de 0.15 à 19 millions de francs de 1991 à 1996). Tonkam s'est aussi essayé à la prépublication avec le magazine Magnolia, aujourd'hui arrêté. Son catalogue, extrêmement varié et riche, fort en 2006 d'environ 600 titres, possède une collection shôjo importante. Mais la faiblesse de ses tirages et une distribution trop aléatoire ont freiné son évolution. Véret quitte Tonkam en 2000 pour créer Akata, le label manga des éditions Delcourt.
En 2005, Delcourt devient actionnaire majoritaire de Tonkam, les deux collections gardant leurs lignes éditoriales et leurs catalogues respectifs. Tonkam bénéficie à présent du système de diffusion de Delsol (distribution Hachette) et une meilleure visibilité.

Akata / Delcourt
Partenaire des éditions Delcourt, Akata est créé en 2002 (par Dominique Véret, venu de Tonkam) pour développer une collection manga (et plus largement asiatique dans l'avenir) qui représente en 3 ans 30 % de la production Delcourt. Sur 484 titres Delcourt parus en 2007, on compte 253 mangas (Akata : 103 titres; Tonkam : 152). La maison a montré très tôt sa volonté du publier du seinen et des collections dédiées aux femmes (Sakura, Jôhin). C'est un des catalogues le plus pertinents et prestigieux du marché avec des titres grand public adolescent (Nana, Fruit Basket) et des titres plus exigeants et à contre courant des tendances du marché (Ping Pong, Satsuma, Homunculus...)
Avec sa prise de participation majoritaire dans le capital de Tonkam en 2005, Akata / Delcourt renforce sa position majeure sur le marché du manga en France et se place en tête du palmarès 2007 des éditeurs les plus productifs.

MC Productions

Soleil en février 2006 annonce une prise de participation (majoritaire) chez Daipen (=Asuka) et (de 50%) chez SEEBD marquant ainsi son intention de faire partie des leaders de l'édition manga. Sous le nom de MC productions, le groupe (Soleil, Soleil Manga, Quadrant solaire, SEEBD, Soleil Gochawon, Soleil Hero ayant étant abandonnés) a publié en 2007 un total de 428 titres de bande dessinée, (contre 624 en 2006), dont 224 bandes dessinées asiatiques, (contre 460 en 2006, perdant son titre d'éditeur le plus prolifique au profit de Delcourt). Les lignes éditoriales de chacun des partenaires ont été conservées, par contre promotion et planning des sorties harmonisés et l'unité de production centralisée, ce qui permet de réaliser des économies profitables. Le label Asuka est cédé à Kaze en 2007.

Soleil

Il n'est pas très facile de suivre les collections chez Soleil (valse des noms, passage de titres d'une collection à une autre, etc, etc) Arrivé tard sur le marché, avec le label Vegetal manga en 2003, l'éditeur peine à démarrer (malgré Battle Royale et les nouvelles horrifiques de Senno), les titres souffrant de problèmes de traduction et d'impression. Une nouvelle équipe (sous la direction de Laurent Duvault) et Soleil Manga repart avec du shônen, du shôjo et du seinen (orienté fantastique et horreur). A noter dans une collection « classique » des titres de Tezuka (Princesse Saphir, Unico, Don Dracula). Soleil Manga représente en 2005 10% du chiffre d'affaires de Soleil. L'éditeur se tourne aussi vers le manhua avec Soleil Hero et le manwha avec la collection Gochawon (« suprême dimension »), lancée en septembre 2005. Cette collection se veut généraliste -heroïc fantasy et fantastique sont les plus représentés (La lune et le soleil ou Dangoo), mais action, l'humour et sunjeong trouvent également leur place (Aspirin, Say love). Mais ces deux dernières collections (47 titres en 2006) sont stoppées en 2007. Ne subsiste que Soleil Manga qui publie 93 titres en 2007.

SEEBD

En 2003, les éditions SEEDB misent agressivement sur le manhwa (jusqu'à 15 séries /mois !) en créant les collections Tokebi (orientée tchungnyun =shônen) -Tokebi signifie, en coréen, génie protecteur- et Saphira en 2004 (orientée sunjeong = shôjo), ainsi qu'un magazine dédié, nommé lui aussi Tokebi. Le pari va se révéler payant, avec le lancement de séries comme Chonchu de Kim Byung-jin et Kim Sung-jae (20.000 ex vendus), Yureka (Kim Youn-kyung/Son Hee-joon), Priest (un extraordinaire western fantastique. Hyung Min-woo), Model (Lee So-young), Les bijoux (Jo Eun-ha) et Banya (Kim Young-ho, déjà auteur de High School). En 2 ans, la maison dirigée par Christophe Lemaire, ex du label Vertigo et ex d'Akuma, a 45 titres, et 1 million d'albums vendus en 2005. Puis, SEEBD lance les labels mangas : Kabuto pour les shônen et seinen (Sanctuary, Patlabor) et Akiko pour le shôjo. La maison, détenue à 50% par Soleil Productions, a rejoint le groupe MC Productions en 2006. Tokébi, Saphira, Kabuto, Akiko totalisent 131 titres en 2007.

Panini - Génération Comics

Cette maison, rattachée au groupe italien Panini leader mondial dans le secteur des stickers et des cartes à collectionner, est spécialisée dans les comics et depuis peu les mangas (la taille importante du groupe, l'intérêt du volume financier à dégager ne laisse pas les éditeurs japonais indifférents). Sur 250 titres publiés en 2007 figurent 117 mangas. Il est difficile d'en comprendre la politique éditoriale : certains titres sont imposés par la maison mère qui achète pour toute l'Europe, d'autres sont des titres spécifiquement choisis pour le marché français (la maison ne possède pas les droits de Fullmetal Alchemist en France alors qu'elle les possède pour le reste de l'Europe !). D'où parfois l'impression d'un catalogue peu cohérent. De très bons titres sortent néanmoins du lot : Planètes, 20th Century Boys, Lone Wolf and Club, etc Panini Manga, le nouveau label qui remplace Génération Comics, cible un public plutôt adolescent/adulte (publiant des titres issus de la revue Big Comic Spirits des éditions Shôgakukan, destinées à un public mature). C'est un des éditeurs pionniers dans le genre Yaoi, genre plus hard que le shônen-aï, mettant en scène des rapports intimes physiques entre protagonistes masculins (New York New York, Ludwig II ).

4.3 Les inclassables

Taïfu Comics

Au départ lancée sous le nom de Punch Comics, cette collection manga de la société IDP spécialisée dans le DVD d'animation japonaise (environ 100 nouveautés / mois) souhaite développer un catalogue des classiques du manga pour adolescents. Mais en tant que nouvelle venue sur le marché, elle doit composer avec les éditeurs japonais et se contenter de titres peu connus : No-Bra, Go and Go, Tokyo Underground, + Anima. Si l'éditeur s'est lancé avec 4 mangas en 2004, il a édité 92 titres en 2007 ! (81 en 2006, 48 en 2005). Les collections ciblent le jeune public (Young Taïfu), les adolescents (le célébrissime titre de Cobra) mais aussi les adultes avec Taïfu seinen et Taïfu Ecchi (ecchi = érotique). A signaler des titres de Tezuka dans la collection Taïfu classic (Trilogie Lost World, Metropolis et Next World). Le label Convini propose des séries assez longues, directement en coffret et à des prix bas.

Asuka

Fondé en 2004 et résolument orienté manga, Asuka (terme qui désigne à la fois une ville du Japon et une période de l'histoire où elle en fut la capitale), s'adresse aux adultes avec des titres seinen et josei, 55 titres publiés en 2007 (contre 89 en 2006, 64 en 2005). La maison a lancé en France les genres yuri et shôjo-aï vec les ouvres d'Ebine Yamaji (Love my life, Indigo blue, Fee soul) et d'Erika Sakurazawa (Body and soul, Entre les draps). Avec sa collection Ladies, c'est aussi l'une des premières maisons d'édition à avoir traduit des josei, comme Piece of Cake. L'une de ses autres caractéristiques est la publication d'ouvres d'Osamu Tezuka (Black Jack en 17 volumes) au format bunko (mini format). Titres incontournables : Tensaï Family Company, Gunslinger Girl. Asuka publie quelques manhwas dont les estimées Mémoires du masque de Kim Jung-han, un thriller aux frontières du fantastique et Redrum 327, Slasher où la réunion d'une poignée d'amis dans un chalet va tourner au cauchemar, etc Au catalogue également, Crazy Love Story de Lee Vin, prêtresse du sunjeong. Asuka propose par ailleurs, un Guide du manga très complet, incluant manga et manhwa. Après un court passage chez MC Productions en 2006, la maison passe dans le giron de Kaze, l'éditeur vidéo.

4.4 Editeurs généralistes ayant une/des collection(s) manga(s)

Pika -Groupe Hachette

Pika (qui signifie briller/ scintiller) est une ancienne maison spécialisée dans l'univers des jeux vidéos, venue plus tard vers l'édition manga avec Manga Player, devenue en 2000 Pika. Cet éditeur qui a augmenté de 45 % son chiffre d'affaire en 2002 et de 40 % en 2003, a publié en 2007 108 mangas. Son catalogue compte environ 700 titres. Ses titres les plus vendus : GTO, Love Hina (500.000 ex vendus) et Card Captor Sakura, ses titres les plus récents : Tsubasa Reservoir Chronicle (cross over de Clamp), Step up love story, Negima (le Harry Potter japonais). Les collections vont du shônen au shôjo (Happy Mania de Moyoco Anno, la cousine nippone de Bridget Jones) en passant par le seinen (collection Senpaï avec MPD Psycho, Kurosagi ou Stairway to Heaven). Pika a vainement tenté sur le modèle japonais de fidéliser son public par le biais d'un magazine Shônen Collection, dont la publication a duré de 2003 à 2005 (des titres du catalogue de Kôdansha). Début 2007, la maison perd son indépendance : elle est rachetée par Hachette Livre qui se positionne ainsi sur le marché de la bande dessinée face à son concurrent direct Editis (label Kurokawa).

Casterman (issu du groupe Flammarion qui réunit Jungle, Librio, Casterman, Fluide glacial)
Lancée en septembre 2004, Sakka (qui signifie « auteur ») met en valeur la production féminine et la bande dessinée dite « d'auteur ». S'appuyant sur le succès apporté par Taniguchi, la collection dirigée par Frédéric Boilet décline plusieurs formats (15x21 cm pour les séries courtes ; 13x18 cm pour les séries longues), soignant la traduction et la fabrication. 34 titres sont publiés en 2007 (25 en 2006). Certains titres parus autrefois dans la collection Casterman Manga ont été repris dans Sakka (Gon, Dispersion). Casterman publie aussi des mangas dans la collection Ecritures (qui accueille de la bande dessinée étrangère), en sens de lecture occidental avec l'idée de capter un public adulte, pas forcément lecteur de manga. Début 2007, Frédéric Boilet abandonne la direction de l'ensemble de la collection Sakka pour se consacrer au suivi plus pointu et personnalisé de 6 à 7 ouvrages japonais par an (Daisuké Igarashi, Kiriko Nananan, Kyôko Okazaki, Kan Takahama et Jirô Tanuguchi) à paraître dans Sakka, Écritures ou hors-collection, et dès juillet 2007 sous le nouveau label Sakka Auteurs.
La collection Hanguk (signifiant Corée en coréen, créée en mai 2005) est au manhwa ce que la collection Sakka est au manga. Il semble donc devoir s'y mener une politique éditoriale exigeante, privilégiant les auteurs, sans sacrifier à l'élitisme. Hanguk publie en 2007 14 titres (6 en 2006) dans le genre seinen : récits graphiques en couleurs, dans un habillage élégant. (L'amour est une protéine, Brève cohabitation, Lotto blues). La collection Hua Shu lancée en début d'année 2007 et qui totalise 13 titres a pour ambition d'accueillir l'ensemble des expressions de la bande dessinée chinoise d'aujourd'hui, qu'elle vienne de Chine continentale, de Taiwan ou de Hong Kong.

Kurokawa (« fleuve noir » en japonais) est un label créé en 2005, rattaché à Univers Poche (filiale d'Editis), numéro un du livre en format poche (Pocket, 10/18, Fleuve noir, etc) qui possède un fort potentiel pour l'avenir (marketing) et une des plus grosses licences du marché actuel : Fullmetal Alchemist (avec 35.000 ex. dès son mois de sortie, 14 millions de lecteurs au Japon en 2 ans). Les autres séries qui seront appréciées sans être des ventes aussi énormes visent les 15-30 ans : Kimi wa pet, au pied chéri (une trentenaire adopte un danseur en cavale comme animal de compagnie), Azumanga Daïoh (manga d'humour mettant en scène un groupe de lycéennes sous forme de strips 4 cases), Satan 666 (manga fantastique autour d'un personnage étrange aux pouvoirs obscurs). L'éditeur envisage aussi la publication de manwha. A publié 60 mangas en 2007 (59 en 2006).

J'ai Lu qui appartient au groupe Flammarion a publié 49 manga en 2005 (sur 265 titres Flammarion). La collection s'était imposée en se concentrant sur un très petit nombre de séries à fort potentiel commercial (Captain Tsubasa). Quelques bons titres comme Eagle ou Shin Chan. Mais après avoir perdu les droits de City Hunter et de Ken le survivant, la remontée a dû s'avérer trop difficile : l'éditeur a annoncé l'arrêt de la commercialisation de ses titres manga en avril 2006 (certains seront probablement repris par Kurokawa).

4.5 Quelques structures moyennes, petites ou alternatives

Vertige Graphic
Créé en 1987, Vertige Graphic se veut maison d'édition indépendante de bande dessinée. Elle publie des titres manga adultes intéressants (en particulier Tatsumi, représentant du gekiga, la célèbre série Gen d'Hiroshima de Nakazawa et Dans la prison d'Hanawa) dans une présentation soignée.

Ego comme X
Cet éditeur représentatif de la nouvelle bande dessinée française " indépendante ", née pendant les années 90 s'est imposé avec un catalogue dédié à l'introspection et l'autobiographie (comme le souligne le nom de la maison) et a accompagné le mouvement « nouvelle manga », initié par Fréderic Boilet en 2001. Titres marquants, dans une belle présentation : L'Épinard de Yukiko de F. Boilet, L'Homme sans talent de Tsuge.

IMHO [In my Humble Opinion]
Créée en 2003, cette petite structure dirigée par Benoît Maurer souhaite « mettre en place une plate-forme éditoriale transversale, indépendante et cohérente » mêlant édition de livres, disques et vidéos. Une quinzaine de titres manga au catalogue avec une prédilection pour la bande dessinée d'auteur plutôt fantastique et horrifique. Quatre titres de Mizuno Junko (une des rares mangakas travaillant en couleurs, dans un style mêlant trash et kawaï), deux titres de Hino (contes horrifiques), un titre de Maruo (grand maître de l'EroGuro).

Cornélius
Les éditions Cornélius, label indépendant, publient des bandes dessinées (dans des formats atypiques), repérées dans des collections portant des prénoms. Proche de l'Association, la maison a participé au mouvement de la bande dessinée indépendante des années 90. Ses ouvrages sont particulièrement soignés (au niveau de la traduction et de la fabrication : qualité des choix de papier et des reliures). On trouve au catalogue un titre de Tezuka (Hato), un manga très éloigné de la production mainstream japonaise Cornigule par Kurihara Takashi et les remarquables titres de Mizuki, un auteur majeur, fondateur d'un certain courant fantastique. (Nononbâ, prix du meilleur album Angoulême 2007, Kitarô le repoussant)

Le Lézard noir
Cette petite maison d'édition publie des auteurs d'avant-garde ou underground, navigant aux frontières de l'art contemporain (Akino Kondoh), en particulier Maruo, maître de l'éro-guro (avec Vampyres mais aussi dans un tout autre genre Exercices d'automne ou L'art du bain japonais).

Ki-Oon
Créé en 2004, l'éditeur (dont le nom signifie cour rempli d'émotions) souhaite privilégier le manga fantastique (fantasy, heroïc fantasy, paranormal, horreur). Son atout : travailler en direct avec des auteurs japonais sans passer par le biais des éditeurs, ce qui signifie trouver des titres inédits, prendre plus de risque mais aussi avoir plus de liberté en terme de communication (prépublication de titres sur le net) ou d'exploitation des droits. Auteurs ainsi découverts : Tetsuya Tsuitsui avec Duds hunt et Manhole ou Keisuke Kotobuki et son Kamisama tout en couleurs.

Voir aussi Les éditeurs (mise à jour en janvier 2008), publié par Bédédazi sur bededazi.over-blog.com
Sources :
Rapport annuel de Gilles Ratier, secrétaire de l'ACBD. – http://www.acbd.fr/bilan-2007.html
Le guide Phénix du manga 2007. - Asuka
Livres Hebdo/Ipsos N°717, 18 janvier 2008

5. Les lecteurs français de manga

Le lectorat du manga a considérablement évolué, évolution liée à l'offre grandissante et diversifiée des éditeurs. Le public originel, la fameuse génération Goldorak qui fut préparée à ses codes et thématiques par le biais des dessins animés, et séduit par l'aspect bon marché du manga, a vieilli et son pouvoir d'achat s'est accru. Mais son plaisir à lire des manga a perduré et a permis de rallonger l'âge des lecteurs de manga tout en favorisant l'évolution d'un marché du manga plus adulte. Pour autant les enfants, sans cesse recrutés par le biais des dessins animés que renouvelle la télévision, sont une cible sûre : un enfant sur deux (entre 9 et 13 ans) lit des mangas. Et les adolescents, attirés par les thèmes, la lecture visuelle, le principe de fidélisation à la série et la culture japonaise, restent les lecteurs les plus assidus de manga en France. Enfin, le lectorat féminin, très largement sollicité avec les shôjo mangas qui s'adressent spécifiquement à lui, représente un potentiel que les éditeurs français ont pris désormais très au sérieux, d'autant plus qu'il ne l'a jamais vraiment été par le marché de la bande dessinée francophone. Le manga adulte, qui entrerait pour une part dans la catégorie de la bande dessinée d'auteurs, attire un public plus mature, ouvert à la culture (du roman graphique, du cinéma, de la littérature), et qui n'est pas forcément amateur de bande dessinée.
On voit que le lectorat de manga ne se limite plus au public jeune, il recrute des amateurs dans toutes les classes d'âges et traverse les catégories traditionnelles de lecteurs, grands lecteurs ou non lecteurs.

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